L’assassinat du professeur Dominique Bernard à Arras en France le 13 octobre dernier par un membre revendiqué de l’Etat Islamique est venu réveiller en France le douloureux souvenir de l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine du 16 octobre 2020. Le jour où un professeur d’histoire, Samuel Paty, a été décapité par un terroriste islamiste sous prétexte d’avoir montré en classe des caricatures du prophète Mahomet, l’attaque ayant entraîné la mort de Dominique Bernard s’est d’ailleurs déroulé 3 jours du troisième anniversaire de la mort de Samuel Paty.

L’attentat ayant coûté la vie à Samuel Paty, a été vécu comme un événement particulièrement traumatisant pour le corps enseignant, devenant dû-fait de leur rôle de passeur de savoir et de formation des futurs citoyens de la République, des cibles de l’obscurantisme et des terroristes. Ainsi que pour l’ensemble de la France, choquée par un tel acte qui avait relancé le tendu débat de la diffusion des caricatures de figures religieuses, prétexte déjà de l’attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015.

Les circonstances ayant conduit à la décapitation de Samuel Paty sont un condensé de mensonges, de diffamations et de désinformation. Ou comment le simple mensonge d’une élève du collège à son père à conduit à l’assassinat de ce professeur.

Samuel Paty avait l’habitude de montrer chaque année durant des cours d’Éducation civique et morale des caricatures du prophète Mahomet, parmi d’autres caricatures, pour échanger avec ses élèves de la liberté d’expression et de ses limites, sans que cela ne provoque de réactions négatives. Le 6 octobre 2020, alors qu’il présente son cours, le professeur annonce à ses élèves qu’il va montrer des caricatures du prophète et que ceux qui le souhaitent peuvent détourner les yeux ou sortir de la classe quelques secondes.

Une des élèves de sa classe est alors absente ce jour-là, mais en rentrant chez elle, celle-ci, devant son père, accuse son professeur d’Histoire, Géographie et Éducation Civique et Morale, d’avoir demandé à tous les élèves musulmans de sa classe de s’identifier et de quitter la classe, alors qu’elle n’a même pas assisté au cours.

La réaction de Brahim Chnina, le père de l’élève, est immédiate, il diffuse une vidéo sur Facebook où il insulte le professeur, condamne l’utilisation des caricatures et l’accuse d’avoir montré la photo d’un homme nu à sa fille et aux autres élèves. La vidéo est très rapidement relayée sur des groupes WhatsApp ainsi que sur la page Facebook de la mosquée de Pantin, les réseaux sociaux contribuent à disséminer le mensonge.

Très rapidement un prédicateur islamiste radical, Abdelhakim Sefrioui, diffuse lui-même une vidéo de l’événement et commence à manifester et faire pression, avec Brahim Chnina sur la direction du collège pour que soit licencié le professeur. Brahim Chnina va même jusqu’à porter plainte pour « diffusion d’images pornographiques ».

Face à la campagne de harcèlement qui prend de l’ampleur, la principale du collège et Samuel Paty tentent de s’expliquer par courrier aux parents d’élèves sur comment s’est vraiment déroulé le cours. Cela n’empêche pas le père de l’élève ayant menti de publier le 12 octobre une autre vidéo menaçante sur Youtube.

Samuel Paty tente de se défendre face aux attaques diffamatoires qu’il subit et va porter plainte au Commissariat, il est soutenu par sa direction mais peu par le rectorat qui ne réagit pas face à l’emballement.

C’est à ce moment-là que le terroriste, Abdoullakh Anzorov, intervient, il entre en contact avec Brahim Chnina ainsi que sa fille par les réseaux sociaux pour s’informer de la situation. Le 16 octobre il décide de passer à l’acte, il se rend à Conflans-Sainte-Honorine, va jusqu’au collège du Bois d’Aulne, où enseigne Samuel Paty. Il aborde des élèves, leur propose de l’argent en échange d’une description physique du professeur. Il a un dernier coup de fil avec la fille de Brahim Chnina qui lui confirme, pour la dernière fois, son mensonge. À 16h52, alors que Samuel Paty sort du collège, Abdoullakh Anzorov se lance sur lui, le poignarde 17 fois puis le décapite.

L’attentat de Conflans-Sainte-Honorine témoigne de la dangerosité des « fakes news » et de l’emballement que peuvent prendre celle-ci sur les réseaux sociaux. De comment on a pu passer du simple mensonge d’une élève à l’assassinat d’un professeur d’histoire. La sous-estimation du danger par les autorités publiques, le rectorat de l’académie de Versailles, qui n’a pas pris conscience de la menace, de l’emballement que prenait la situation et n’a pas assez soutenu l’enseignant où tenter de mettre fin à l’affaire.

Cette affaire vient rappeler notre devoir de vigilance face aux « fake news », l’importance d’enseigner aux individus son fonctionnement ainsi que l’importance de lutter contre.

La désinformation ce n’est pas que des petits mensonges sur X (Twitter), Facebook etc. Leurs conséquences peuvent être funestes, Samuel Paty n’est malheureusement pas la seul personne tué à cause de « fake news », l’Assaut du Capitole par des partisans de Donald Trump le 6 janvier 2021, et les morts en ayant découlé, a aussi été en partie provoqué par toutes les fake news circulant sur la campagne présidentielle étasunienne de 2020.

Des mesures, telles que le projet E-engAGEd, sont cependant prises pour essayer de prévenir ces effets désastreux, comme dans le Département de la Seine-Saint-Denis (France) qui depuis 2021 propose 85 dispositifs, appelés “Agora” à tous les collèges des actions d’éducation aux médias et à l’information pour lutter contre la désinformation et les « fake news ».

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